samedi 20 septembre 2008

[Présent] Et maintenant, le catéchisme

Présent du 20 septembre 2008

Sur la liturgie, lors de son dernier voyage apostolique en France, Benoît XVI a agi en actes et en paroles. Par les messes qu’il a célébrées à Paris et à Lourdes, le Pape a commencé à montrer aux évêques, aux prêtres et aux fidèles français dans quel esprit il entendait la restauration de la liturgie célébrée selon le « rite ordinaire ». A ces actes, s’est ajoutée la parole : une partie du discours de Benoît XVI aux évêques de France réunis à Lourdes, le dimanche après-midi, a été consacrée à la liturgie.

Après la dévastation de la liturgie, opérée pendant le concile Vatican II et après le Concile (mais cette dévastation n’est pas née des textes du Concile), la restauration est en marche, même si l’œuvre est loin d’être achevée.

Il y a eu une dévastation parallèle, et même antérieure, du catéchisme. Dans le cas français, elle commence dans l’immédiat après-guerre. Elle trouve un premier point culminant dans ce qu’on a appelé la crise du « catéchisme progressif » (1957). Le Saint-Siège y a mis alors un coup d’arrêt. Le deuxième point culminant est la diffusion, dix ans plus tard, d’un « Fonds obligatoire » à l’initiative des évêques français. Le troisième et dernier point culminant a été Pierres Vivantes, le « recueil catholique de documents privilégiés de la foi » publié par les évêques de France en 1981.

On peut parler de dévastation du catéchisme en ce sens que les nouveaux catéchismes officiels n’enseignaient plus les trois connaissances nécessaires au salut : le Credo, ce qu’il faut croire ; le Pater, ce qu’il faut désirer ; les Commandements, ce qu’il faut faire ; cette instruction religieuse étant complétée par l’explication des sacrements.

En 1957, c’est le doyen de la faculté de théologie d’Angers, Mgr Lusseau qui, dans la Revue des cercles d’études d’Angers, mena principalement le combat contre la nouvelle catéchèse. En 1967 et 1968, ce furent des prêtres (l’abbé Barbara et l’abbé de Nantes, par leurs conférences, l’abbé Berto ailleurs) et des laïcs qui prirent la défense du catéchisme traditionnel. Jean Madiran réédita le Catéchisme de S. Pie X dans un fort numéro de sa revue Itinéraires (n° 116, sept.-oct. 1967). Il le faisait à l’intention des familles, des écoles, des communautés qui sont privées « pour une raison ou pour une autre » d’un catéchisme authentique.

Sa réédition du Catéchisme de S. Pie X s’ouvrait par ces lignes qui restent lumineusement vraies : « A chaque époque l’avenir du christianisme est dans l’enseignement de la foi aux petits enfants. A chaque époque l’avenir du monde dépend de la pédagogie chrétienne. » Cette édition de 1967 sera suivie de nombreuses autres réimpressions et rééditions. Des générations de fidèles, deux au moins, ont été formées par ce Catéchisme réédité à l’initiative d’un laïc.

Le 21 octobre 1972, ce sera sa lettre publique à Paul VI : « Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe. » Sur le point précis du catéchisme, Jean Madiran demandait, respectueusement : « Rendez-nous le catéchisme romain : celui qui, selon la pratique millénaire de l’Eglise, canonisée dans le catéchisme du Concile de Trente, enseigne les trois connaissances nécessaires au salut (et la doctrine des sacrements sans lesquels les trois connaissances restent ordinairement inefficaces). » Deux ans plus tard, cette supplique sera réitérée et appuyée par vingt-cinq écrivains et personnalités dans le volume Réclamation au Saint-Père (NEL, 1974).

Les réponses de Rome

La réponse de Rome viendra dix ans plus tard, par les conférences sur « la crise de la catéchèse » données par le cardinal Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi depuis quatorze mois seulement. En janvier 1983, à Paris puis à Lyon, le cardinal Ratzinger, a déploré, en matière de catéchèse, la subordination de « la vérité à la praxis » et l’« anthropocentrisme radical ». Il a rappelé la nécessité d’une structure du catéchisme en quatre parties, « quatre pièces classiques et maîtresses » qui « ont servi pendant des siècles comme dispositif et résumé de l’enseignement catéchétique » : « ce que le chrétien doit croire (Symbole), espérer (Notre Père), faire (Décalogue), et dans quel espace vital il doit l’accomplir (sacrements et Eglise) ».

En 1992, avec le Catéchisme de l’Eglise catholique, Jean-Paul II a voulu donner un « texte de référence pour une catéchèse renouvelée aux sources de la foi ». Le Compendium, donné par Benoît XVI en 2005, est de même nature. Ces deux ouvrages de référence, précieux et réconfortants, ne remplacent pas, pourtant, le catéchisme pour enfants qui n’existe plus depuis plusieurs décennies. Le CEC a été conçu comme un « texte de référence sûr et authentique », destiné en particulier à « l’élaboration de catéchismes locaux ». Le Compendium n’est pas, lui non plus, destiné aux enfants, aux commençants qui ont besoin d’être instruits dans la foi. Il propose « une sorte de vade-mecum qui permette aux personnes, croyantes ou non, d’embrasser d’un regard d’ensemble la totalité du panorama de la foi catholique ».

Les longues réponses aux 598 questions qui constituent le Compendium ne sont pas susceptibles d’être enseignées telles quelles aux enfants, apprises par cœur et assimilées. Il manque encore un Petit catéchisme universel ou, au moins en France, les petits catéchismes locaux (diocésains) qu’espère le Saint-Siège.

Curieusement, malheureusement même peut-on dire, la « bataille pour la messe » a laissé au second plan ou, même, a fait négliger la nécessaire bataille pour le catéchisme. Jean Madiran le fait remarquer dans son indispensable Histoire du catéchisme (Consep, 2005) : « C’est au bouleversement de la messe qu’ont été plus directement sensibles les prêtres et les fidèles réfractaires aux innovations brutalement imposées, à partir de 1965-1967, au nom de l’“esprit du concile” ; publiquement, ils se sont moins occupés du débat sur le catéchisme. »

Des associations, des groupes de fidèles sont actifs pour obtenir qu’une messe selon le rite traditionnel soit célébrée dans leur paroisse ou, au moins, dans leur diocèse en accord avec leur évêque. Ils donnent là un bel exemple de militantisme chrétien. Mais se préoccupent-ils assez de l’enseignement de la foi aux plus petits ? A la messe selon le rite extraordinaire devrait pouvoir correspondre, partout, au même endroit, l’enseignement de la foi aux plus petits selon la forme traditionnelle, requise par le Pape lui-même. Et l’on attend toujours les Catéchismes, universel ou diocésain, et destinés aux enfants, qui viendront remplacer les « Parcours » et autres instruments encore dominants dans les paroisses françaises.

YVES CHIRON