Présent, 15 août 2008
En 1930, par l’encyclique Casti connubii, une des plus longues de son pontificat, Pie XI avait rappelé et précisé l’enseignement de l’Eglise sur le mariage chrétien. À l’heure, où la dissolution des mœurs avait déjà fait des ravages et où certains pays avaient commencé à adopter des politiques antinatalistes, le pape avait voulu exposer « la vraie doctrine du Christ concernant le mariage », ses « fins », ses « lois » et ses « biens ». Il avait réprouvé les « nouveaux genres d’union » (mariage temporaire, mariage à l’essai et mariage amical) et il avait condamné tout recours à la contraception et à l’avortement (« meurtre direct d’un innocent » avait dit Pie XI). À sa suite, Pie XII, dans diverses allocutions, avait rappelé ce même enseignement.
Pendant les années précédant le concile Vatican II, la Commission théologique préparatoire avait préparé un schéma intitulé : De castitate, virginitate, matrimonio, familia (« De la chasteté, de la virginité, du mariage et de la famille »). Les rédacteurs principaux de ce schéma furent le cardinal Ottaviani, secrétaire de la congrégation du Saint-Office, et le P. Ermenegildo Lio, un théologien franciscain, Défenseur du lien à la même Congrégation, examinateur du clergé et juge synodal au Vicariat de Rome, consulteur théologique à la Commission théologique préparatoire et professeur de théologie morale à l’Université pontificale du Latran. Ce schéma, jugé d’une doctrine et d’une exposition trop traditionnelles, ne fut pas présenté comme tel au concile Vatican II et les sujets qu’il abordait (le mariage, la famille, etc.) passèrent dans d’autres schémas qui traitaient de questions plus générales.
Pendant toute la durée du concile, et même avant, un para-concile (constitué des médias, chrétiens ou non, de certains théologiens, par leurs écrits et leurs conférences, et de certains évêques, par leurs déclarations), s’est développé. Ce para-concile a diffusé dans l’opinion publique, chrétienne ou non, un certain nombre de thèmes, de revendications et de contestations. Parmi celles-ci, il y a eu la réclamation insistante, répétée, d’accorder aux femmes le droit à la contraception.
Paul VI, on l’a trop souvent oublié, a demandé aux évêques assemblés de ne pas aborder la question de la régulation des naissances, se réservant de la traiter lui-même (cette intervention, d’une grande sagesse et prudence, est consignée dans la note 14 de Gaudium et Spes 51). À cette époque, selon divers témoignages incontestables, Paul VI était encore hésitant sur le sujet. Au rédacteur en chef de la Croix, dans un entretien privé, il confiait : « Rien n’est encore dit, car nous ne savons rien. » La confidence est inattendue si l’on considère que, de Pie XI et Pie XII, l’enseignement de l’Eglise n’a pas varié et qu’en 1966, à deux reprises, Paul VI a affirmé que, en la matière, « la pensée et les normes de l’Eglise ne sont pas changées. »
Le Pape avait demandé à la Commission pontificale pour l’étude des problèmes de la population, de la famille et de la natalité, que Jean XXIII avait instituée en mars 1963, de poursuivre l’étude de la question. Cette Commission s’était divisée et une majorité de ses membres s’était prononcée pour autoriser la contraception. En juin 1966, Paul VI décida de dissoudre cette Commission, puis il résolut de préparer une encyclique sur le sujet. La préparation fut confiée à divers groupes de travail et d’études, dont firent partie notamment un théologien très proche du pape, le milanais Mgr Carlo Colombo, et le jésuite français Gustave Martelet. On sait aussi que l’archevêque de Cracovie, le cardinal Wojtyla (le futur Jean-Paul II), fut consulté ; il avait publié un ouvrage sur ces sujets en 1962, Amour et responsabilité. Mais, il est établi que l’argumentation centrale de l’encyclique est due au père dominicain Ciappi, théologien de la Maison pontificale, consulteur de la congrégation pour la Doctrine de la Foi et au P. Lio qui retrouvait là un retour en grâce réconfortant.
Jean Guitton a témoigné que Paul VI était partagé entre sa « tendance » libérale, qui était d’autoriser la contraception, et son « devoir » qui était de l’interdire pour rester en continuité avec l’enseignement de ses prédécesseurs. Si le pape avait autorisé la « pilule », il aurait été acclamé comme le « libérateur de la femme ». Finalement, il a sacrifié sa popularité et il a bravé l’opinion publique qu’il savait lui être très majoritairement hostile.
Yves Chiron
Pendant les années précédant le concile Vatican II, la Commission théologique préparatoire avait préparé un schéma intitulé : De castitate, virginitate, matrimonio, familia (« De la chasteté, de la virginité, du mariage et de la famille »). Les rédacteurs principaux de ce schéma furent le cardinal Ottaviani, secrétaire de la congrégation du Saint-Office, et le P. Ermenegildo Lio, un théologien franciscain, Défenseur du lien à la même Congrégation, examinateur du clergé et juge synodal au Vicariat de Rome, consulteur théologique à la Commission théologique préparatoire et professeur de théologie morale à l’Université pontificale du Latran. Ce schéma, jugé d’une doctrine et d’une exposition trop traditionnelles, ne fut pas présenté comme tel au concile Vatican II et les sujets qu’il abordait (le mariage, la famille, etc.) passèrent dans d’autres schémas qui traitaient de questions plus générales.
Pendant toute la durée du concile, et même avant, un para-concile (constitué des médias, chrétiens ou non, de certains théologiens, par leurs écrits et leurs conférences, et de certains évêques, par leurs déclarations), s’est développé. Ce para-concile a diffusé dans l’opinion publique, chrétienne ou non, un certain nombre de thèmes, de revendications et de contestations. Parmi celles-ci, il y a eu la réclamation insistante, répétée, d’accorder aux femmes le droit à la contraception.
Paul VI, on l’a trop souvent oublié, a demandé aux évêques assemblés de ne pas aborder la question de la régulation des naissances, se réservant de la traiter lui-même (cette intervention, d’une grande sagesse et prudence, est consignée dans la note 14 de Gaudium et Spes 51). À cette époque, selon divers témoignages incontestables, Paul VI était encore hésitant sur le sujet. Au rédacteur en chef de la Croix, dans un entretien privé, il confiait : « Rien n’est encore dit, car nous ne savons rien. » La confidence est inattendue si l’on considère que, de Pie XI et Pie XII, l’enseignement de l’Eglise n’a pas varié et qu’en 1966, à deux reprises, Paul VI a affirmé que, en la matière, « la pensée et les normes de l’Eglise ne sont pas changées. »
Le Pape avait demandé à la Commission pontificale pour l’étude des problèmes de la population, de la famille et de la natalité, que Jean XXIII avait instituée en mars 1963, de poursuivre l’étude de la question. Cette Commission s’était divisée et une majorité de ses membres s’était prononcée pour autoriser la contraception. En juin 1966, Paul VI décida de dissoudre cette Commission, puis il résolut de préparer une encyclique sur le sujet. La préparation fut confiée à divers groupes de travail et d’études, dont firent partie notamment un théologien très proche du pape, le milanais Mgr Carlo Colombo, et le jésuite français Gustave Martelet. On sait aussi que l’archevêque de Cracovie, le cardinal Wojtyla (le futur Jean-Paul II), fut consulté ; il avait publié un ouvrage sur ces sujets en 1962, Amour et responsabilité. Mais, il est établi que l’argumentation centrale de l’encyclique est due au père dominicain Ciappi, théologien de la Maison pontificale, consulteur de la congrégation pour la Doctrine de la Foi et au P. Lio qui retrouvait là un retour en grâce réconfortant.
Jean Guitton a témoigné que Paul VI était partagé entre sa « tendance » libérale, qui était d’autoriser la contraception, et son « devoir » qui était de l’interdire pour rester en continuité avec l’enseignement de ses prédécesseurs. Si le pape avait autorisé la « pilule », il aurait été acclamé comme le « libérateur de la femme ». Finalement, il a sacrifié sa popularité et il a bravé l’opinion publique qu’il savait lui être très majoritairement hostile.
Yves Chiron