samedi 2 août 2008

[Présent] Benoît XVI et l'œcuménisme

Présent, 2 août 2008
Le lendemain de son élection, dans son premier message au monde, Benoît XVI s’est fixé « comme tâche première de travailler sans ménager son énergie à la reconstruction pleine et visible de tous les disciples du Christ » ((20 avril 2005). Cette priorité donnée à ce que, depuis un demi-siècle, on appelle l’œcuménisme, n’est pas nouvelle. Depuis Jean XXIII, tous les Papes se sont exprimés, dans des termes très proches, dès les premiers temps de leur pontificat. Benoît XVI s’inscrit donc dans une tradition récente et emploie, lui aussi, le mot « œcuménisme » pour désigner le souci de l’Unité des chrétiens qui a toujours été celui de l’Eglise à travers les siècles.
Dans ce même discours inaugural de son pontificat, Benoît XVI s’est dit « disposé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir la cause fondamentale de l’œcuménisme ». Il indiquait aussi les voies qu’il était décidé d’emprunter : le dialogue théologique mais aussi « des gestes concrets qui pénètrent les âmes et remuent les consciences. »
Trois faits récents permettent de saisir concrètement ce volontarisme œcuménique et les moyens qu’il emploie :
• En mai dernier, Mgr Bawai Soro, évêque de l’Eglise assyrienne d’Orient (issue de l’hérésie nestorienne), et un millier de familles, ont été reçus dans la communion de l’Eglise catholique par Mgr Jammo, évêque de l’Eparchie chaldéenne établie à El Cajon, en Californie, éparchie qui dépend de la Congrégation pour les Eglises orientales. Mgr Bawai Soro était depuis de nombreuses années une figure importante du dialogue œcuménique entre l’Eglise assyrienne d’Orient et l’Eglise catholique. Il assista notamment, le 11 novembre 1994, à la signature, à Rome, d’une « Déclaration christologique commune » entre Jean-Paul II et Mar Dinkha IV, patriarche de l’Eglise assyrienne d’Orient. Cette déclaration, qui réaffirmait la doctrine traditionnelle catholique selon laquelle « la divinité et l’humanité sont unies dans la personne du même et unique Fils de Dieu et Seigneur Jésus-Christ », espérait, qu’à l’avenir, « l’unanimité » serait trouvée aussi en ce qui concerne les autres doctrines de la foi, les sacrements et la doctrine de l’Eglise et que cela permettrait la communion sacramentelle, « signe de la communion ecclésiale pleinement rétablie. »
Pour Mgr Soro, les prêtres et les milliers de fidèles qui l’ont suivi, c’est désormais chose faite ; ils sont rentrés en communion pleine et entière avec l’Eglise catholique.
• Le 28 juin dernier, Benoît XVI a ouvert l’ « Année paulinienne » qui commémore la naissance de l’Apôtre des Gentils, il y a deux mille ans, en recevant le patriarche Bartholomée, patriarche orthodoxe de Constantinople, et en célébrant des vêpres solennelles avec lui dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs.
Cette cérémonie appartient, sans nul doute, à la catégorie des « gestes concrets » qu’avait annoncés Benoît XVI au début de son pontificat. Prière commune, mais point communio in sacris. Paul VI, dit-on, était prêt à une communion eucharistique avec le patriarche Athénagoras, prédécesseur de Bartholomée sur le siège de Constantinople. Benoît XVI, lui, répète que la communion eucharistique doit être l’aboutissement et le signe de la communion plénière dans la foi. Avec les orthodoxes, comme avec tous les autres non-catholiques, il ne pourra y avoir de communion eucharistique tant que « la question de la primauté de Pierre et de sa continuité chez les évêques de Rome » sera objet de dissension. Il l’a dit dans une conférence importante donnée à l’Université pontificale Urbinienne, en 1991, où il a défini la primauté de Pierre non pas comme une sorte de primat d’honneur ou de préséance mais comme « la reconnaissance de Rome comme critère de la foi authentiquement apostolique ».
Un Pie XI ou un Pie XII n’auraient jamais célébré des Vêpres avec un patriarche orthodoxe, mais, sur le fond, de ces papes à Benoît XVI les conditions de la pleine communion restent les mêmes.
• Cette communion avec l’Eglise catholique, des évêques et des prêtres anglicans – ceux de la Traditional Anglican Communion (TAC) – l’ont officiellement demandée à Rome et Rome a commencé à leur répondre. La TAC se définit comme une « communion d’Eglises anglicanes traditionnelles », quelques dizaines dans le monde, regroupant quelque 400.000 fidèles. Elles se sont séparées de l’Eglise d’Angleterre et de la Communion anglicane en 1991, en désaccord avec l’ordination de femmes pasteurs et avec certaines évolutions doctrinales et liturgiques observables dans certaines Eglises anglicanes.
Lors d’une visite à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 9 octobre 2007, le Révérend John Hepworth, Primat de la TAC, a officiellement remis une lettre demandant une « full corporate sacramental union » de cette « Eglise anglicane » (elle se définit ainsi) avec le Saint-Siège. Le cardinal Levada, dans une lettre au Rév. Hepworth, le 5 juillet dernier, a donné une première réponse. Il assure au primat anglican que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi examine avec « grande attention » la demande de la TAC d’ « union en corps » mais qu’elle n’est pas encore en mesure de répondre « aux propositions » qui ont été faites.
L’ « union en corps », envisagée, pose des problèmes disciplinaires : que deviendront, par exemple, les anciens prêtres catholiques qui ont rejoint la TAC ? Les pasteurs mariés pourront-ils devenir des prêtres catholiques ? Et doctrinaux : les ordinations anglicanes ayant été considérées comme invalides, de manière solennelle depuis Léon XIII, il faudra réordonner les évêques et pasteurs qui souhaiteront continuer à exercer un ministère. Benoît XVI, qui n’est pas l’homme des décisions précipitées, fait examiner ces questions importantes.
Benoît XVI, « pape œcuménique ». Oui, si l’on n’en conclut pas que c’est au détriment de l’Eglise catholique.
Yves Chiron