Au moins la moitié des diocèses français n’a pas ordonné de prêtres cette année. Certaines n’ont pas et de cérémonies d’ordinations depuis plusieurs années. L’avenir n’est pas plus prometteur puisqu’il n’y a eu que 133 entrées dans les séminaires diocésains pour l’année 2007-2008.
Pour s’en tenir à la situation de l’Eglise de France, on doit tenir compte aussi des séminaires et des ordinations qui ont lieu dans les fraternités, instituts et couvents traditionnels (qu’ils soient en communion complète ou non avec Rome est une autre question). Huit ordinations sacerdotales à Ecône pour la Fraternité Saint-Pie X en juin 2008 ; quatre ordinations sacerdotales à Wigratzbad pour la Fraternité Saint-Pierre (auxquelles se sont ajoutées quatre ordinations aux Etats-Unis) ; deux ordinations pour l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre.
Les candidats au sacerdoce en France sont trop peu nombreux pour que chaque diocèse ait pu conserver, comme jadis, son propre séminaire. Il n’y a plus que vingt-deux séminaires diocésains en France (auxquels s’ajoute le Séminaire français de Rome). Face à cette crise diocésaine des vocations, les fraternités et instituts traditionnels apparaissent comme plus vivaces : six séminaires pour la FSSPX, deux séminaires pour la FSSP, un séminaire pour l’ICRSP, un séminaire pour l’IBP, sans parler du clergé régulier traditionnel.
En 1976, l’année-même où, pour la première fois, Mgr Lefebvre ordonnait des prêtres à Ecône sans l’accord de Rome, l’historien Paul Vigneron publiait un ouvrage très important : Histoire des crises du clergé français contemporain (Téqui). Il y montrait que la crise des vocations avait commencé dès l’après-guerre, soit trente ans plus tôt. Il ne pouvait imaginer qu’elle allait perdurer plus de trente ans encore.
Paul Vigneron voyait deux raisons à cette crise : « la remise en cause des méthodes apostoliques » et « la remise en cause de la spiritualité » (notamment la spiritualité sacerdotale). En conclusion, il s’inquiétait : « la longueur de la crise favorise l’hérésie », hérésies répandues dans le clergé comme chez les fidèles.
Lors de la dernière cérémonie d’ordination à Notre-Dame de Paris, le 28 juin dernier, le cardinal Vingt-Trois a, dans son homélie, fait preuve d’un ardent volontarisme : « L’année scolaire prochaine, je demanderai à chaque communauté du diocèse de Paris de faire quelque chose, selon l’identité et le style de la communauté, pour réfléchir et prier pour les vocations de prêtres. Il n’y aura pas de prêtres si on n’en parle pas ; il n’y aura pas de prêtres si on n’en demande pas ; il n’y aura pas de prêtres si on n’en souhaite pas ! Pour les souhaiter, pour les demander, pour en parler, il faut que nous nous mobilisions tous, que tous nous soyons désireux de voir de nouveaux prêtres prendre la relève des générations précédentes, non pas pour répéter indéfiniment ce qui a toujours été fait, mais pour répondre aux exigences de la mission d’aujourd’hui. »
Ce volontarisme est louable. Il faut certes « parler » et « se mobiliser » pour les vocations. Prier sera aussi indispensable (« Mon Dieu, donnez-nous des prêtes ; donnez-nous de saints prêtres ; donnez-nous beaucoup de saints prêtres »). Mais, dans l’histoire — du moins dans celle des derniers siècles —, le terreau premier des vocations ont été la famille et l’école. Des familles chrétiennes, pratiquantes, priantes et des écoles chrétiennes, dirigées ou, du moins, animées spirituellement par des prêtres.
Nombre des prêtres ordonnés chaque année à Ecône sont d’anciens élèves des écoles de la Fraternité Saint-Pie X. Si la FSSPX compte aujourd’hui 486 prêtres et 6 séminaires c’est, en partie, parce qu’elle dirige 88 écoles. Si les évêques de France avaient le courage et la volonté d’imprimer vraiment une identité catholique aux collèges et lycées « privés » qui dépendent d’eux, ils auraient plus de séminaristes. Une identité qui passe par la catéchèse, la prière mais aussi par le contenu des cours et un esprit général.