samedi 10 janvier 2009

[Présent] L’arianisme et le « pastoral » - Yves Chiron - 10 janvier 2009

[Présent] L'arianisme et le « pastoral » - Yves Chiron - 10 janvier 2009

Le 29 juin 1975, dans une lettre à Mgr Lefebvre, Paul VI l’avait adjuré d’accepter les textes du concile Vatican II et les réformes qui avaient suivi. Le concile Vatican II, estimait le pape, « qui ne fait pas moins autorité, qui est même sous certains aspects plus important que celui de Nicée ».

Le concile de Nicée, en 325, avait condamné l’hérésie d’Arius, réaffirmé dogmatiquement la divinité du Christ et défini le « Symbole de Nicée » (la première partie du Credo). La comparaison entre les deux conciles et la suprématie donnée à Vatican II avaient choqué les traditionalistes et ému jusqu’au Secrétaire d’Etat, le cardinal Villot, qui n’avait, néanmoins, pas réussi à convaincre Paul VI de modifier ce passage de sa lettre.

Aujourd’hui, un cardinal italien, le cardinal Biffi, prend le contre-pied de Paul VI, sans le nommer. Dans son dernier livre, Pecore et pastori (éd. Cantagalli), il écrit : « on peut dire que le Concile de Nicée est aujourd’hui beaucoup plus actuel que le Concile de Vatican II ».

Ce n’est pas une opinion en l’air, mais la conséquence d’un constat. « Le problème de l’arianisme, écrit encore le cardinal, est toujours à l’ordre du jour dans la vie ecclésiale. Les prétextes sont nombreux : du désir de sentir le Christ plus proche et comme l’un d’entre nous, au projet de faciliter sa compréhension en exaltant de manière presque exclusive les aspects sociaux et humanitaires. À la fin, le résultat est toujours d’enlever au Rédempteur de l’homme son unicité radicale et de le classer parmi les êtres affables et familiers. »

L’arianisme christologique, historique, c’est la négation de la divinité du Christ. À l’époque contemporaine, l’arianisme a pu prendre des formulations moins radicales, moins explicitement négatrices, mais tout autant réductrices. Et aussi, il s’est doublé, depuis plusieurs décennies, d’un arianisme ecclésiologique, qui ramène la mission de l’Eglise à de l’horizontalisme ou une animation vaguement spirituelle.

Adaptation ou conversion

Dans un précédent ouvrage (Memorie e digressioni di un italiano cardinale, éd. Cantagalli), le cardinal Biffi avait regretté, sur un ton charitable, que le concile Vatican II n’ait voulu être qu’un concile pastoral : « tous, dans l’aula vaticane et au dehors, se montraient contents et satisfaits de ce qualificatif ». Il dit aujourd’hui , comme en un aveu : « Le concept me paraissait ambigu et je trouvais un peu suspecte l’emphase avec laquelle la “pastoralité“ était attribuée au Concile en cours : peut-être voulait-on dire implicitement que les précédents Conciles n’avaient pas eu l’intention d’être “pastoraux“ ou ne l’avaient pas été suffisamment ? N’était-il pas important, pourtant, d’un point de vue pastoral d’expliquer clairement que Jésus de Nazareth était Dieu et consubstantiel au Père, comme l’avait défini le Concile de Nicée ? N’était-il pas important, d’un point de vue pastoral, de préciser le réalisme de la présence eucharistique et la nature sacrificielle de la messe, comme l’avait fait le Concile de Trente ? N’était-il pas important, d’un point de vie pastoral, de présenter dans toute sa valeur et toutes ses implications le primat de Pierre, comme l’avait enseigné le Concile Vatican I ? »

D’un livre à l’autre, on voit la corrélation établie par le cardinal Biffi entre la volonté de « pastoralité » et ce qu’on pourrait appeler le risque d’arianisation des esprits.

Le cardinal écrit encore : « La première et irremplaçable “miséricorde“ pour l’humanité perdue est, selon ce qu’enseigne clairement la Révélation, la “miséricorde de la vérité“ ; une miséricorde qui ne peut être exercée sans la condamnation explicite, ferme, constante de tous les travestissements et de toutes les altérations du “dépôt“ de la foi, qui doit être conservé » (Memorie).

Celui qui fut archevêque de Bologne de 1984 à 2003 souligne combien l’idée d’ « adaptation » peut mettre en danger l’intégralité et la pureté de la Révélation surnaturelle : « Parfois, dans certains secteurs du monde catholique on en arrive même à penser que c’est la Révélation divine qui doit s’adapter à la mentalité ambiante pour réussir être crédible et non la mentalité ambiante qui doit se convertir à la lumière qui nous vient d’en haut.Il faudrait pourtant réfléchir au fait que c’est la “conversion“, et non l’“adaptation“ qui est une parole évangélique » (Pecore e pastori).

C’est au cardinal Biffi que, il y a deux ans, Benoît XVI avait demandé de prêcher la retraite de Carême au Vatican. À cette occasion, l’ancien archevêque de Bologne avait évoqué l’avertissement prophétique de Soloviev sur la « falsification du Bien » qui est une des caractéristiques de l’Antéchrist.

Yves Chiron