samedi 17 octobre 2009

[Présent] L’Académie Catholique de France, pour quoi faire ?

Yves Chiron - Présent, 17 octobre 2009

Après le Collège des Bernardins, inauguré il y a un an, une deuxième institution entend symboliser le renouveau de la visibilité des « intellectuels catholiques » : l’Académie catholique de France. Le nom sonne beau car il semble ne pas récuser le qualificatif de catholique ni la note nationale.
Cette Académie vise-t-elle à concurrencer l’Académie française, où les catholiques affirmés, pratiquants, professants, seraient trop peu nombreux ? Sans doute pas.
Un récent article de presse présente cette Académie catholique comme une « tribune pour les penseurs catholiques » et croit qu’elle s’est donnée comme « défi » de « rassembler des compétences dans de multiples domaines pour assurer et transmettre une pensée catholique ». C’est une présentation trop optimiste ou naïve.
Cette Académie, comme le Collège des Bernardins, sont des initiatives de la hiérarchie ecclésiastique qui entend redonner une visibilité à l’Eglise dans le domaine de la culture. Cette visibilité, pourtant, est moins de l’ordre de l’enseignement que de celui du témoignage et du dialogue. Aux Bernardins, il y a certes des conférences, une revue, une bibliothèque, une librairie, mais il y a surtout des colloques, des expositions, des activités ludo-éducatives destinées au « jeune public », une cafétéria, et l’on annonce même la réalisation et la vente de produits dérivés ».
Selon sa qualification officielle, le collège des Bernardins se veut d’abord un « lieu de recherche et de débat pour l’Eglise et la société ». Recherches et Débats, ce sont exactement les qualificatifs qu’avait choisis le Centre catholique des intellectuels français (CCIF) comme titre pour sa publication annuelle (qui aura duré de 1952 à 1976).
« Rechercher » et « débattre » plutôt qu’enseigner, transmettre, annoncer ?
C’est ce qui se dégage des déclarations d’un des fondateurs de l’Académie catholique de France, l’abbé Philippe Capelle. Les académiciens catholiques français, si on peut les appeler ainsi, n’ont pas pour vocation, explique-t-il, « à susciter l’engagement » mais ils seront là pour « offrir une expertise ». « Pas question de faire du lobbying » explique-t-il aussi.

Des balbutiements décevants


Si l’on comprend bien le but de cette Académie catholique de France, il ne s’agira donc pas d’illustrer, de défendre, de rappeler la doctrine catholique, l’histoire catholique, l’art catholique, ni de se faire l’écho du Magistère – qui, pour un catholique, n’est pas une réalité accessoire – , mais de participer au débat, ou pas…
Cette conception minimaliste du rôle de l’ « intellectuel catholique » trouve son illustration dans les réponses récentes de la seule femme membre, à ce jour, de l’Académie catholique française, Nathalie Nabert.
C’est, assurément, une femme éminente. Professeur de littérature médiévale, elle a été, pendant douze ans, doyen de la Faculté de lettres de l’Institut catholique de Paris. Spécialiste de la spiritualité cartusienne, elle a publié sur ce sujet des livres intéressants. Son dernier ouvrage, Les Moniales chartreuses (Ad Solem, 2009), est un album où le texte, respectueux et intéressant, est illustré de belles photographies, œuvre de Bruno Rotival.
Nathalie Nabert, laïque, universitaire, « académicienne catholique française » donc, est interrogée ces jours-ci par un hebdomadaire chrétien. Elle parle de l’Académie, de sa carrière universitaire. On l’interroge aussi sur « le rôle spécifique des femmes dans l’Eglise » et, de manière spécifique : « pensez-vous qu’il faille ouvrir l’accès au sacerdoce pour les femmes » ?
Réponse de la toute récente académicienne catholique française : « La question du sacerdoce des femmes est trop complexe, trop délicate et comporte trop d’implications théologiques, canoniques et philosophiques pour qu’on puisse y répondre d’instinct sur la base d’une réaction féministe. Je n’entrerai donc pas dans ce débat pour lequel je n’ai, en l’état actuel de mes connaissances sur cette question, aucune compétence particulière. »
Quelle déception ! N’importe quel fidèle du dernier rang connaît la doctrine traditionnelle de l’Eglise sur le sujet. Et une « académicienne catholique française » n’est, bien sûr, pas sans ignorer les rappels doctrinaux récents sur le sujet : la déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, Inter insigniores en 1976, approuvée par Paul VI, et la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis de Jean-Paul II, en 1994, qui a rappelé que l’ordination sacerdotale est « exclusivement réservée aux hommes ». Rappel solennel, dans lequel Jean-Paul II, selon l’avis de nombre de théologiens, a engagé son infaillibilité pontificale.
En estimant que la question du sacerdoce des femmes pouvait encore être sujet cde « débat » et en ne rappelant pas les enseignements récents et solennels du Magistère sur le sujet, Madame Nathalie Nabert  illustre, de manière bien décevante, l’Académie catholique de France en ses balbutiements.

Yves CHIRON

Article paru dans PRESENT, le 17 octobre 2009