samedi 31 octobre 2009

[Présent] l'implosion continue de l'anglicanisme

Yves Chiron - Présent, 31 octobre 2009

En décembre 1960, en pleine préparation du concile Vatican II, Jean XXIII acceptait de recevoir au Vatican le Docteur Geoffrey Fisher, « archevêque » de Cantorbéry et Primat de l’Eglise anglicane. Depuis le schisme anglais du XVIe siècle, c’était la première rencontre entre un pape et le chef d’une communauté séparée. Jean XXIII n’envisageait rien d’autre qu’un « retour » à Rome des « communautés séparées » (il n’employait pas le mot « Eglises »). Il l’avait clairement affirmé dans l’encyclique Ad Petri cathedram, publiée quelques mois plus tôt.

La visite fut tenue discrète. Il n’y eut pas de photographie. Le cardinal Bea, en charge du Secrétariat pour l’unité des chrétiens et initiateur de la rencontre, ne fut pas admis à la rencontre. On sait, néanmoins, que le Docteur Fisher rejeta la doctrine romaine du « retour à Rome », et recourut à l’image de « deux Eglises qui courent parallèlement — on pourrait les comparer à deux droites se rejoignant dans l’éternité ».

Six ans plus tard, en 1966, Paul VI reçut le Dr Ramsey, successeur du docteur Fisher. Cette fois –  l’enthousiasme du Concile et le tumulte du péri-concile étant passés par là –, l’accueil fut solennel et plus chaleureux. Le 23 mars, lors de son entretien avec le Primat anglican, Paul VI sembla faire des concessions qui n’étaient pas minimes. Il accepta de rouvrir le dossier des ordinations anglicanes (déclarées « absolument nulles et sans valeur » par Léon XIII, en 1896). Et il accepta que soit créée une commission théologique pour étudier les questions doctrinales qui séparent anglicans et catholiques ; ce sera l’ARCIC (Anglo-Roman Catholic International Commission).

Le lendemain, 24 mars, Paul VI accomplit un de ces gestes spectaculaires qu’il affectionnait : il ôta de son doigt son anneau épiscopal et le donna au Dr Ramsey qui le passa à son doigt. Ce geste spectaculaire fut interprété comme la reconnaissance implicite de l’autorité épiscopale du Dr Ramsey et donc comme la reconnaissance des ordinations anglicanes.

En fait, comme souvent chez Paul VI, le geste, spectaculaire (« prophétique » disaient ceux qui l’admiraient), dépassait la pensée. Ni lui, ni Jean-Paul II n’ont reconnu les ordinations de prêtres et d’évêques accomplies chez les Anglicans.

Des « retours » de plus en plus nombreux

L’ARCIC a poursuivi, jusqu’à ce jour, son travail de discussion et d’étude. Elle a publié, au fil des années, des déclarations doctrinales rédigées conjointement par des théologiens catholiques et des théologiens anglicans.

Mais, parallèlement, les communautés anglicanes se sont divisées sur des questions disciplinaires et doctrinales : ordination des femmes (les premières pastoresses anglicanes ont été ordonnées en 1992), ordination de prêtres et d’évêques homosexuels, reconnaissance du mariage homosexuel.

En  réaction, en 1991, a été fondée la TAC (Traditional Anglican Communion) qui regroupe une trentaine d’évêques, des centaines de prêtres et quelque 400.000 fidèles anglicans qui refusent ces dérives.

En 2008, en marge des instances officielles anglicanes, et en opposition à elles, s’est réunie la GAFCON (Global Anglican Futur Conference) qui s’oppose à la « sécularisation » promue par certaines conférences épiscopales anglicanes et qui veut réunir les « anglicans confessants ».

Si la TAC souhaite entrer dans une communion pleine et entière avec le Saint-Siège ; il en va tout autrement pour la GAFCON qui ne reconnaît l’autorité que des quatre premiers conciles œcuméniques !

Pour le moment (en attendant l’intégration de la TAC ?), ce sont, année après année, des pasteurs anglicans à titre individuel ou de petites communautés qui demandent à entrer dans l’Eglise catholique. En 2007, deux évêques épiscopaliens (anglicans) américains, Jeffrey Steenson, évêque de Rio Grande, et Daniel Herzog, ancien évêque d’Albany, sont devenus catholiques. En mars dernier, Steenson a été ordonné prêtre catholique.

Une trentaine d’évêques et une centaine de pasteurs anglicans seraient disposés à faire, eux aussi, profession de foi catholique.

Le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a annoncé la prochaine publication d’une Constitution apostolique destinées à fixer les modalités de ces conversions (mais le mot n’est pas employé !) et à mettre en place les structures ecclésiales que nécessitent ces « retours » de plus en plus nombreux.

Yves CHIRON