samedi 3 octobre 2009

[Présent] Les religieuses américaines sous observation

Yves Chiron - Présent, 3 octobre 2009
La LCWR (Leadership Conference of Women Religious) est la principale organisation représentative des religieuses américaines. Elle représente environ 80 % des congrégations féminines apostoliques que comptent les Etats-Unis. Cette structure bien organisée est puissante et influente, elle représente près de 60.000 religieuses. Depuis les années 1970, la LCWR a été un élément moteur dans la grande transformation qu’ont connue la plupart des congrégations religieuses américaines.
Il y a eu une sécularisation très visible, dans la tenue notamment : lors des réunions de la LCWR, toutes les religieuses portent des habits civils. Les engagements sociaux et militants se sont substitués souvent aux formes traditionnelles d’apostolat. L’année dernière, par exemple, la LCWR et son équivalent masculin, la CMSM (Conference of Major Superiors of Men), se sont réunies pour mettre au point une « Résolution sur le changement climatique »…
La vie communautaire, aussi, est très éloignée des formes de vie religieuse que leurs congrégations ont connues jusqu’au concile. Il y a également des positions doctrinales qui s’éloignent de la doctrine de l’Eglise.
Les déviances et les abandons avalisés ou promus par la LCWR n’ont pas été acceptés par toutes les congrégations religieuses américaines. Outre les congrégations contemplatives qui ont leur organisation représentative propre, une centaine de congrégations religieuses apostoliques ont quitté la LCWR pour constituer, en 1992, le CMSWR (Council of Major Superiors of Women Religious).
Qu’il s’agisse du port de l’habit religieux ou de la fidélité doctrinale, le CMSWR est en contrepoint complet avec la LCWR. Avec des fruits spirituels indéniables, puisque si le CMSWR représente environ 20 % des religieuses apostoliques américaines, il recense plus de 80 % des vocations.
Rome n’a pas été insensible aux dérives de la plupart des congrégations religieuses américaines. En 2001, les dirigeantes de la LCWR avaient été convoquées à Rome par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Le Préfet d’alors, le cardinal Ratzinger, leur avait demandé de « promouvoir la réception de l’enseignement de l’Eglise », particulièrement dans trois domaines : la question de l’ordination des femmes, la déclaration Dominus Jesus sur les religions non chrétiennes et le problème de l’homosexualité.

Deux enquêtes


Cet avertissement, formulé en termes diplomatiques, n’a pas produit les effets escomptés.
Plus récemment, en mai 2008, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, a publié une instruction, Faciem tuam Domine, consacrée à l’autorité et à l’obéissance dans la vie religieuse. Mgr Gardin, un franciscain, secrétaire de la Congrégation, est venu spécialement aux Etats-Unis pour la commenter. Lors d’une homélie, devant la LCWR et la CMSM assemblées, il a rappelé fortement le caractère spécifique de la vie religieuse : être des « croyants exemplaires », « suivre et imiter Jésus » et « ne rien faire passer avant Lui », selon le mot de saint Benoît.
Benoît XVI a franchi une étape supplémentaire. En décembre 2008, la Congrégation  pour la vie consacrée a lancé une visitation des congrégations religieuses apostoliques des Etats-Unis, confiée à Mère Mary Clare Millea (qui avait déjà été invitée à prendre la parole au dernier synode des évêques à Rome). Un instrumentum laboris a été adressé à toutes les supérieures des congrégations apostoliques américaines (les contemplatives ne sont pas concernées par cette enquête). Elles devront établir un rapport, à partir d’un questionnaire, sur la formation, l’apostolat, la vie communautaire, les finances de leur congrégation. Puis, en 2010, un certain nombre de communautés seront soumises à une visite apostolique.
Parallèlement, la Congrégation pour la doctrine de la foi a décidé, en mars dernier, un doctrinal assessment (une « évaluation doctrinale ») de la LCWR. Les trois points soulignés par le cardinal Ratzinger en 2001 sont, à nouveau, explicitement en question. Mgr Blair, évêque de Toledo, a été chargé de conduire cette investigation. Les instances de la LCWR ont dit leur « surprise » d’une telle enquête doctrinale et lors de leur dernière assemblée, en août dernier, elles ont protesté que « leurs congrégations sont restées pleinement fidèles à la réforme et au renouveau demandés par Vatican II ».
Pour les communautés religieuses américaines  aussi, c’est donc l’herméneutique de Vatican II qui est en débat : rupture ou continuité dans la vie religieuse.
Yves CHIRON